Gérard Dussouy ♦
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux.
Ex: https://metamag.fr
La géopolitique mondiale n’est plus ce qu’elle était. Sa configuration s’est transformée depuis le dernier quart du vingtième siècle parce que les acteurs internationaux dominants ne sont plus les mêmes. Au point que nous n’hésiterons pas à parler désormais d’une géopolitique post-occidentale, en ce sens que la géopolitique mondiale n’est plus ordonnée, ni même maîtrisée, par l’Occident.
Et le changement, dont le moteur principal a été ces dernières années le facteur économique, va s’accentuer au cours des décennies qui viennent sous la pression de certaines mutations technologiques, mais surtout de phénomènes structurels, tantôt humains (déséquilibres démographiques, migrations et nouveaux hégémonismes), tantôt naturels (réchauffement climatique). Dans le complexe d’espaces que la géopolitique systémique s’efforce d’interpréter, chacun d’entre eux a sa logique de structuration, et comme ils sont, à la fois, interactifs, différents et inséparables, il n’est pas simple de prévoir la tournure générale que ce changement prendra. Cela dépendra de la façon, plus ou moins dramatique, ou plus ou moins bien régulée, dont les hommes et leurs institutions trancheront les nœuds gordiens de la géopolitique qu’ils ont mise en place, délibérément ou pas.
Le premier d’entre eux réside dans les relations compliquées, parce que faites d’interdépendances et de rivalités potentielles, qu’entretiennent les principales puissances mondiales, la Chine et les États-Unis au premier chef. Le second se démutiplie, en quelque sorte, dans les régions ou les zones réputées être les plus instables, les plus conflictuelles, de l’espace géopolitique, où différentes situations pourraient dégénérer. Le troisième consiste dans la capacité qu’auront les hommes à faire face à la multiplication de leur nombre, et aux tensions qui vont avec, en se garantissant une croissance économique durable et suffisante. Le quatrième, qui pourrait s’avèrer le plus déterminant, mais qui reste le plus imprévisible, est celui du niveau d’adaptation des humains au réchauffement climatique et à ses effets perturbants, sachant qu’il apparaît inéluctable, et peut-être plus fort que prévu.
Chacun de ces nœuds gordiens est intéressant en soi parce qu’il met en exergue l’un des différents enjeux épistémologiques de la géopolitique globale, qu’il s’agit de prendre comme un Tout (tous les espaces factoriels sont à considérer), lequel ne relève pas des mêmes valeurs, dîtes universelles, mais qui s’affirme de plus en plus comme étant un plurivers (un lieu de rencontre de visions du monde et de cultures concurrentes).
Néanmoins, il n’est pas question de les analyser ici chacun en profondeur, mais, seulement, d’exposer leur bien-fondé avec des cartes qui peuvent s’avèrer plus explicites que de longs discours. C’est le rôle heuristique des images que d’ouvrir la voie à la réflexion, sans imaginer une seconde qu’elles puissent se suffire à elles-mêmes et se substituer à l’analyse.
I – L’espace géopolitique post-occidental.
La carte géopolitique du monde a, d’ores et déjà, changé de polarité. C’est la conséquence de la montée en puissance de l’Asie, de l’installation de la Chine au cœur du système économique mondial, du déclin de la puissance des Etats-Unis, et de l’inexistence de l’Europe.
Carte n° 1, la Chine au centre du monde.
Source : Le basculement du monde. Manière de voir n° 107. Editions du Monde Diplomatique.
La Chine, désormais première puissance économique mondiale (si l’on prend comme taux de change la parité des pouvoirs d’achat), a pris, du même coup, de façon intentionnelle, mais cela relève aussi de la mécanique de la puissance, l’initiative en matière de politique internationale. En effet, elle développe depuis quelques années une « grande stratégie », dans le cadre du « nouveau multilatéralisme » qui caractérise, selon les dires de ses dirigeants, la situation internationale (Panda, 2011). Cette géostratégie* chinoise s’appuie en particulier sur les autres BRICs (Brésil, Russie et Inde) avec lesquels elle entretient des relations renforcées. Son objectif est de prévenir, ou d’écarter, toute politique d’encerclement des États-Unis et, dans la mesure du possible de les isoler au maximum. Dans cette perspective, elle peut compter sur l’affaiblissement financier de ces derniers, frappés par un endettement sans précédent : 20 000 milliards d’endettement public en 2016, soit 100% du PIB, 60 000 milliards de dollars de dettes privées, et un déficit extérieur plus béant que jamais (750 mimmierds de dollars). Au point que des experts évoquent la possibilité d’un krach de Wall Street dans les années proches. Sachant que la Chine est le premier créancier de l’économie américaine (presque 10% de la dette publique US), elle pourrait tenir bientôt le dollar à sa merci. Mais, ce n’est pas son intérêt immédiat de mettre fin à son rôle de devise internationale, même si cela devait se faire un jour. Son marché intérieur en pleine expansion étant encore trop limité, la Chine a besoin de déverser ses exportations dans celui des États-unis. Certes, afin de garantir l’avenir de ses créances, certains économistes ont évoqué le scénario d’une Chine imposant aux Américains une politique déflationniste à l’instar de celle imposée par Berlin à la Grèce ( Panda, 2011, p. 40).Mais c’est une arme à double tranchant.
La fongibilité de la puissance, à savoir son transfert d’une capacité à une autre, comme de l’économique au militaire, par exemple, n’est jamais évidente et exige du temps. Mais, elle est toujours suffisante pour que l’on s’interdise de séparer, comme on l’a fait trop longtemps, et comme certains continuent à le faire, ce qui est la géopolitique stricto sensu, celle des territoires, et la géoéconomie ; mais également la géodémographie, la géoculture ou, pourquoi pas selon la terminologie de Deleuze et Guattari, la géophilosophie. La montée en puissance de l’économie chinoise ne peut donc qu’encourager Pékin à prendre des initiatives diplomatiques, parallèlement à la modernisation de ses forces armées ; en attendant de pouvoir, un jour, maintenant que la Chine a renoué avec ses traditions, exercer son influence culturelle et idéelle.
Carte n°2 : Les partenaires de l’OCS.
Source : Population Data.net
Le déploiement diplomatique de la Chine en Asie a pour principal instrument l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), fondée en 2001. Conçue à l’origine pour combattre ce que les Chinois appellent les « trois maux » du terrorisme, du séparatisme et de l’extrémisme, l’organisation a facilité le rapprochement russo-chinois, face à la présence américaine en Afghanistan et face à la pression de Washington sur l’Iran, mais elle est aussi au départ d’un certain nombre de coopérations économiques (c’est dans l’ordre géopolitique des choses), en matière de ventes et de transports d’hydrocarbures en particulier. Tout cela fait que l’OCS s’apparente de plus en plus à un G8 exclusif (par rapport aux États-Unis), mais qui se tourne aussi vers le Golfe Persique et vers l’Europe.
Carte n°3 : les nouvelles routes de la soie.
Source : Map Attribute : China’s « One Belt, One Road », 2016.
C’est en partie dans le cadre de l’OCS (pour des besoins de co-financement), bien qu’il s’agisse d’une intitiative éminement chinoise bien accueillie par l’Union européenne, que s’est opérée la renaissance « des routes de la soie ». Avec parmi elles, celle qui mérite le plus le nom, parce qu’elle traverse l’Asie centrale, et qui, depuis cette année, relie notamment Wuhan à Lyon (11 300 km parcourus en quinze jours). Dans l’ensemble, il s’agit de mettre en place un réseau ferroviaire entre 16 villes chinoises et 15 villes européennes sur lequel Pékin compte voir circuler 5000 trains par an d’ici à 2020. L’objectif est de faire transférer par la voie terrestre une part de plus en plus élevée du commerce qui grandit entre la Chine et l’Europe. Actuellement, ce renouveau fait surtout l’affaire de la Chine puisque les flux Est-Ouest sont le double que dans l’autre sens. Il s’inscrit dans le projet chinois de devenir le pays manufacturier leader d’ici à 2049, et dont il faudra exporter la production. Imitant en cela le plan allemand d’Industrie 4.0, dont l’objectif est la production standardisée d’outils de production, le plan « Made in China 2025 » entend redoubler les dépenses en R&D afin de faire de la Chine une grande puissance technologique à l’horizon du centenaire de la révolution maoïste.
Carte n° 4 Les points de tension entre les deux géants asiatiques
Source : Caution India, Janvier 2011.
Evidemment, la nouvelle configuration géopolitique, celle qui correspond au leadership asiatique, n’est pas dépourvue de rivalités au cœur même de l’espace devenu référentiel. La Chine et l’Inde, pour ne parler que d’elles, sont deux États-continent d’une masse critique comme il n’en a jamais existé dans l’histoire. Culturellement, tout les oppose, et à la compétition politique et commerciale qui, immanquablement, va s’instaurer entre elles, s’ajoute un certain nombre de contentieux territoriaux. De la façon dont évolueront leurs relations bilatérales, plutôt apaisées à l’heure actuelle, et sachant qu’on peut prévoir qu’elles s’inscriront dans un jeu triangulaire avec les Etat-Unis, dépendra l’équilibre asiatique qui commandera à celui du monde.
II – Les régions les plus problématiques de la géopolitique post-occidentale.
La géopolitique post-occidentale ne sera pas exempte de luttes hégémoniques. Pas moins que ne le furent les périodes précédentes. Dans l’avenir le plus proche, c’est entre la puissance chinoise en pleine ascension, et de plus en plus sûre d’elle-même, et la puissance américaine, encore forte de son potentiel militaire et technologique, que des tensions sont à prévoir. Surtout si les États-Unis ont le sentiment de revivre le « cauchemar de Mackinder » (du nom du géographe anglais qui, au début du 20ème siècle, redoutait l’unification du continent européen par l’Allemagne ou par la Russie, avec pour conséquence l’exclusion du Royaume-Uni) (Dussouy, 2006). C’est-à-dire l’impression de se retrouver eux-mêmes « exclus » d’Eurasie par la Chine, à la suite des alliances qu’elle aura concoctées avec les autres puissances de l’Ile Mondiale. Une issue que le déploiement diplomatique chinois, par l’intermédiaire des BRI ou de l’OCS, et commercial, via les routes de la soie, pourrait accréditer.
Carte n° 5 : La politique de containment de la Chine par les États-Unis.
Source : Limes, Rome 9/9/2014.
A plusieurs reprises, réagissant aux initiatives américaines qu’un tel schéma (hypothétique) peut inspirer, les dirigeants chinois ont dénoncé la stratégie d’encerclement conduite par Washington. Affaire de perspective, de vision, certes, mais qui peut avoir des conséquences graves car le dispositif de surveillance militaire mis en place par les États-Unis dans le Pacifique ouest recoupe les nombreux axes de rivalité qui fractionnent la bordure océanique de l’Asie de l’Est.
Carte n°6 : Les rivalités territoriales
Enfin, depuis l’été 2017, l’Asie de l’Est se trouve un peu plus à l’avant-scène de la géopolitique mondiale à cause de son « trublion nucléaire », la Corée du Nord. En quête de reconnaissance internationale, le régime de Pyongyang a montré qu’il disposait d’une panoplie de vrais missiles intercontinentaux (ICBM) susceptibles d’emporter des bombes nucléaires. La réalité de la menace qu’entend faire planer le dirigeant Kim Jong-un sur ses voisins et sur les États-Unis, principale cible diplomatique, est difficile à appréhender. On peut imaginer que, sauf accident ou réaction inconséquente de l’une des parties concernées, comme lors de la « crise des missiles » de Cuba, en 1962, on va s’acheminer vers un marchandage régional dans lequel, en contrepartie de son arbitrage, Pékin obtiendra des compensations dans les litiges (politiques ou commerciaux) que la capitale chinoise peut entretenir avec Washington.
Carte n°7 : Portée estimée des missiles nord-coréens
Sur l’autre face de l’Asie, et au-delà jusqu’au Nord de l’Afrique, s’étire le monde musulman que les géostratèges américains ont pris l’habitude de diviser en trois espaces stratégiques, et qui est, sans aucun doute, aujourd’hui, la région la plus tourmentée de la planète. Elle recelle de nombreux enjeux bien connus, qui attisent toujours la convoitise des grandes puissances économiques, mais aussi de nombreux dangers dont le plus évident, de nos jours et pour de nombreuses années à venir, est d’abriter les bases du terrorisme islamiste. Même si l’Etat du même nom est moribond. Car dans le vaste espace musulman sourde un hégémonisme, qui ne dit pas son nom, insuflé par la conjonction du dynamisme démographique, de la richesse financière, et d’une foi religieuse exclusive.
Carte n°8 Les trois espaces stratégiques du monde musulman
A l’Est, la zone formée par l’Asie Centrale et le Caucase est celle où sévit la guerre d’Afghanistan dans laquelle s’empêtrent encore les Américains, sous le regard attentif des Russes et des Chinois, mais aussi de la puissance montante de l’Iran, qui tous ont des intérêts économiques politiques, stratégiques, à faire valoir. Au centre, le Moyen-orient proprement dit est la région perturbée que l’on sait pour des raisons qui n’ont pas changé depuis des décennies, mais auxquelles se sont surajoutées la destruction d’abord, la déstabilisation ensuite, de l’Irak, la guerre civile syrienne, et l’activité meurtrière du terrorisme des fondamentalistes. A l’Ouest, en Afrique du Nord, depuis le fiasco des printemps arabes, la Libye constitue la principale préoccupation des chancelleries et des stratèges occidentaux.
Carte n°9 : Les régions les plus tourmentées de la planète.
Source : Le Monde Diplomatique.
Quant à l’Europe, cantonnée maintenant à la marge de la scène mondiale (ce qui risque fort de rester définitivement sa place en raison de son incapacité à s’unir), elle n’est pas exempte de tout risque de conflit. En effet, la situation demeure tendue entre l’Ukraine et la Russie, et aucune solution politique n’a encore été trouvée pour surmonter de façon satisfaisante, pour toutes les parties, le problème de la dissidence du Donbass. De surcroît, la « crise ukrainienne » éloigne l’Europe et la Russie l’une de l’autre, alors que tout tend à démontrer que, dans la nouvelle configuration géopolitique du monde, elles sont deux « alliés naturels » (Dussouy, 2013).
Carte n°10 : Le différend entre l’Ukraine et la Russie.
Mais, marginalisation ne rythme pas avec sécurisation ou avec mise à l’abri. L’Europe n’est qu’une pièce du système mondial qu’elle a contribué à mettre en place. Elle est directement concernée, au même titre que les autres continents, par les grands flux planétaires de toutes natures.
III – Quelles conséquences géopolitiques de la surpopulation africaine (… et indienne) ?
En effet, l’Europe est désormais le premier continent d’accueil des migrants internationaux (34%), suivie par l’Asie (28%), l’Amérique du Nord(23%) l’Afrique (9%) et enfin l’Amérique Latine-Caraïbes (4%L L’Allemagne, à elle seule concentre 5% des migrants internationaux (468 800 entrées en 2014 contre 259 800 en France). Seuls les Etats-Unis (20%) en accueillent plus. Les principaux pays d’émigration sont l’Inde (16 millions), le Mexique (12 millions), la Russie (11 millions) et la Chine (10 millions), en 2015 (Bloom, 2016).
Carte n° 11 : Les migrations internationales.
L’une des plus importantes migrations intercontinentales de l’histoire récente s’est produite en 2015, avec l’exode de plus d’un million de Syriens vers l’Europe. Depuis, bien que d’une amplitude un peu moindre, le phénomène des migrations depuis l’Afrique et le Moyen-Orient à travers la Méditerranée crée des zones de tension aux points de passage entre les deux rives de cette mer, surtout en Italie, en Gréce et dans les Balkans, et maintenant en Espagne.
Carte n° 12 Les zones de tension en Méditerranée.
Source : RT 1/08/2015
Or, ces vagues migratoires qui affectent l’Europe sont probablement les signes avant-coureurs de grands mouvements de population, tant la conjoncture de la démographie mondiale paraît devoir se compliquer. La Terre portera près de 10 milliards d’habitants en 2050, contre 7,5 milliards en 2017, et entre 11 et 12 milliards en 2100. L’effet d’inertie de la croissance passée (c’est-à-dire l’existence d’une forte proportion de jeunes adultes dans la population mondiale) et le maintien de la fécondité à un niveau élevé en Afrique sub-saharienne expliquent cela. Questions : la croissance économique sera-t-elle à la hauteur ? Pourra-t-elle garantir un niveau de vie décent à tous les hommes, quand on sait que des économistes, dont le Français Daniel Cohen, envisagent l’entrée probable de l’économie mondiale dans une phase stationnaire de longue durée (Cohen, 2016) ? Le maintien des niveaux de vie des pays avancés est-il compatible avec une concurrence internationale des travailleurs de plus en plus éxacerbée ? Pessimiste, l’ethnologue Levy-Strauss considérait que 3 milliards d’individus était la charge maximale que pouvait supporter Gaïa pour que les hommes s’y trouvent bien !
Carte n° 13 : La population mondiale en 2050.
La croissance très inégale de la population du monde, selon les régions et les continents, depuis le milieu du 20ème siècle, engendre des déséquilibres qui se précisent, et qui s’expriment, à la fois, en nombre et par âge. Et c’est au niveau de l’Afrique, et dans une moindre mesure de l’Inde que le nœud gordien d’une démographie incontrôlée ou mal régulée apparaît le plus complexe à défaire. Nul doute que la croissance de la population africaine est un défi pour l’Afrique elle-même, mais aussi pour la planète et particulièrement pour l’Europe, car on voit mal comment le développement économique et alimentaire du continent africain pourra suivre la croissance des besoins. Quant à l’Inde, qui a le mérite de faire partie des économies émergentes, son surplus de population risque cependant d’être un frein, mais, surtout, d’être mal perçu en Asie.
Carte n°14 , par anamorphose : La population de l’Eurasie et de l’Afrique en 2100.
La carte par anamorphose est une « carte quantitative » qui met en relief un facteur donné. Les superficies représentées sont proportionnelles, ici, à la population des différents Etats. L’anamorphose déforme le réel mais permet la mise en perspective d’un de ses éléments cruciaux.
Sans tomber dans les fantasmes (que la carte par anamorphose peut susciter), Il est tout à fait réaliste de penser que les déséquilibres répertoriés provoqueront des mouvements migratoires de très grande ampleur. Du niveau, peut-être, des migrations européennes du 19ème siècle, qui ont radicalement changé le peuplement de l’Amérique du Nord. Et puis, sans en être la cause directe, les disparités démographiques ont souvent favorisé les guerres dans le passé. Il faudra de nombreux miracles économiques pour écarter les risques de guerre.
IV – L’impact géopolitique imprévisible du réchauffement climatique.
Le réchauffement climatique, qui s’est ralenti entre 1996 et 2014 pour repartir à la hausse depuis, semble inéluctable. On ne refera pas ici le débat légitime des experts, et l’on partira de l’hypoyhèse de ceux qui lui accordent une cause anthropique. Compte tenu, alors, de la faiblesse des mesures adpotées, à ce jour, pour en ralentir le rythme, la question principale qui se pose aux hommes et aux sociétés est, ni plus ni moins, que celle de l’adaptation aux circonstances. En effet, la force du phénomène (Cf. les degrès de température moyenne en plus, selon les latitudes) dictera sa loi, et il s’agira de s’en accomoder, parfois en recherchant des stratégies de survie.
Carte n° 15 : Le réchauffement climatique.
Au plan géopolitique les conséquences seront multiples. L’agriculture des latitudes élevées profitera de la montée des températures. Mais, partout ailleurs, celle-ci va faire baisser les rendements moyens mondiaux de cultures comme le riz (moins 3,2% pour un degré Celsius de hausse), le blé (moins 6%), le maïs (moins 7,4%). Il va de soi que les tensions ou les pénuries alimentaires qui naîtront de la baisse des rendements pourront déstabiliser de nombreux états.
L’irrégularité de la pluviométrie et la raréfaction de la ressource en eau, ici, mais les inondations catastrophiques et les décalages saisonniers des cultures, ailleurs, sont aussi des causes possibles de dérives politiques, tandis qu’un peu partout de nouveaux risques sanitaires vont surgir. Les situations les plus critiques seront celles créées par la conjugaison de la pression démographique et de la nouvelle contrainte climatique. Ce sont elles qui pourraient déclencher de grands mouvements belligènes de population, tels que l’histoire en a le secret.
Enfin, un changement géopolitique des plus prévisibles est l’ouverture de plus en plus grande de l’océan Arctique au commerce maritime international, mais aussi aux flottes militaires, et la meilleure accessibilité des ressources des zones polaires.
Carte n° 16 : Les enjeux de l’océan Arctique.
Source : La Croix 18/08/2015.
Conclusion
L’idée de ce bref article est de montrer, par la preuve des cartes, l’existence de dynamiques planétaires qui font que l’histoire n’est pas finie. Ces dernières incitent à avancer l’hypothèse d’une géopolitique post-occidentale, dont les problématiques sont de vrais nœuds gordiens pour le devenir des jeunes générations. Il serait temps qu’en Europe, on en prenne conscience.
Notes :
BLOOM, D.E., « Bouleversement démographique. Le monde va devoir affronter la croissance démographique, le vieillissement, les migrations et l’urbanisation », Finance et développement, Mars 2016.
COHEN, D., Le monde est clos et le désir infini, Paris, Albin Michel, 2015
DUSSOUY, G. Quelle géopolitique au 21ème siècle ? Bruxelles, Complexe, 2001.
DUSSOUY, G. Les théories géopolitiques, Paris, L’Harmattan, 2006.
DUSSOUY, G. Fonder un Etat européen, Blois, Tatamis, 2013.
PANDA, J. P, China’s « New Multilateralism » and the Rise of BRIC. A Realist Interpretation of a “Multipolar” World Order, Institute for Security and Development Policy, Stockholm, 2011.
- Nous distinguons, pour notre part, la géopolitique qui est d’ordre ontologique parce qu’elle est une réflexion sur l’étant de l’espace mondial (la configuration des acteurs et des différents sous-espaces qui le constituent), et la géostratégie qui est l’action stratégique (sa pratique et son observation) des différents acteurs (étatiques ou privés) dans un espace considéré.





















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En 1994, il fut de nouveau nommé ministre, et en 1995 Matthias Platzeck a rejoint le SPD. En 1997, Matthias Platzeck fut félicité pour sa gestion des opérations lors des inondations catastrophiques de l’Oder en juillet et août. Depuis juin 1998, il appartient au Comité national du SPD au Brandebourg. En 2005, il a été nommé président du SPD. De 1998 à 2002, il a été maire de Potsdam. En 2002, il a été élu Ministre-président du Land de Brandebourg par le Parlement. En 2004 puis en 2009, il a chaque fois été réélu Ministre-président de Brandebourg. En 2013, il s’est retiré de son poste pour raisons de santé. Matthias Platzeck a reçu de nombreuses distinctions, entre autres la Croix fédérale du mérite de première classe de la République fédérale d’Allemagne (1998), l’Ordre «Pierre le Grand» de l’Académie russe pour les questions de sécurité, de défense et du système juridique (2005), la Grande Croix fédérale du mérite avec étoile et bandoulière de la République fédérale d’Allemagne (2011).







Ma plus grande surprise je vous l’avoue est de constater que depuis l’arrêt programmé et contrôlé de l’expérience communiste en Russie, aucune école de pensée n’est apparue, en tout cas sur le devant de la scène, pour proposer une alternative au système occidental dominant. Peut-être est-ce parce qu’il n’y a pas de véritable alternative au système capitaliste, car en définitive, l’idéologie marxiste-léniniste reposait elle aussi sur une conception économiste de la société et relevait elle aussi de cette même erreur fondamentale que son contre-modèle occidental.
La France fut partiellement épargnée par ce mouvement en raison du caudillisme introduit par De Gaulle en 1958 après la déroute de la Quatrième République, qui était justement intrinsèquement libérale. La personnalité du Général-Président put contenir les Libéraux et la majeure partie d’entre eux se replièrent dans l’ombre non sans phagocyter les partis politiques de sorte que ce ne fut qu’un court répit comme nous le verrons.
Une seconde vague libérale devait alors être déclenchée pour asséner aux sociétés occidentales agonisantes et à leur corps politique malade le dernier souffle. Après l’idéologie de Mai 68, plus ou moins dérivée de l’École de Francfort, une nouvelle arme sera forgée pour détruire l’Europe (et en partie, le reste du monde), une arme encore plus efficace. Cette arme sera l’infâme thatchérisme néolibéral. A la fin des années soixante-dix, le néo-libéralisme (qu’il soit thatchérien ou reaganien) était donc célébré partout comme la nouvelle libération idéologique qui permettait de nous débarrasser enfin de l’État. Ni les démocrates-chrétiens ni les sociaux-démocrates ne purent loyalement résister à la tentation même s’ils rappelaient parfois à leurs partisans que la Doctrine de l’Eglise (basée sur Thomas d’Aquin et Aristote) ou l’interventionnisme socialiste traditionnel était totalement hostile à un libéralisme débridé. Les économistes devinrent alors plus importants que les politiciens. Nous entrons dans ce qu’on appela alors la « fin de l’Histoire », le règne absolu du marché. Pire, le système des partis où les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates s’étaient péniblement hissés, empêcha toute critique rationnelle ou la possibilité d’un quelconque changement, en bloquant le processus démocratique que les réformistes chrétiens ou socialistes prétendaient orgueilleusement incarner à eux tous seuls. L’Europe est effectivement maintenant dans une sombre impasse et paraît incapable d’échapper au libéralisme de Mai 68 aussi bien qu’au néo-libéralisme.Ces forces de transformation semblent incapables de rassembler suffisamment de votes pour pouvoir obtenir un changement de pouvoir effectif. Nous devons prendre aussi en compte le fait que les forces du système ont été au pouvoir depuis maintenant plus de soixante-dix ans et que par conséquent, elles occupent littéralement les institutions à tous les niveaux par la nomination de fonctionnaires officiels qui ne pourront pas être remplacés instantanément en cas d’irruption soudaine d’une nouvelle légitimité populaire. Les défis risquent en tout cas de lancer les nouveaux parvenus dans des domaines qu’ils seront bien incapables de maîtriser.


En 2016, vous publiez en anglais votre livre The European Enterprise: Geopolitical Essays. Vous y explorez brillamment les fondements historiques, culturels et spirituels des grands empires européens,à savoir le début du Reich, qui n’est pas du tout l’équivalent pour vous du mot français « nation » et vous estimez que le développement naturel de l’Europe a été entravé ou détourné par la « civilisation occidentale ». Vous accordez aussi une attention toute particulière dans ce livre au « thème russe », à l’espace russe et au concept d’Eurasie. Pourquoi cet espace est-il nécessaire à l’ère de la mondialisation et alors que les États-Unis tentent d’imposer leur hégémonie mondiale ou de « globaliser » leur propre modèle politique et économique ?
L’axe du Danube a été coupé au niveau des « Portes de Fer », par delà lesquelles la zone byzantine s’étendait vers l’Est. L’Empire byzantin était l’héritier direct de l’Empire romain: là, la légitimité n’y fut jamais contestée. La communauté du mont Athos est un centre spirituel qui a pleinement été reconnu tout récemment par le président russe Vladimir Poutine.L’Empire romain-germanique (plus tard austro-hongrois),l’Empire russe comme héritier de Byzance et la communauté religieuse du Mont Athos partagent les mêmes symboles, celui du drapeau d’or avec un aigle bicéphale noir, vestige d’un vieux culte traditionnel perse où les oiseaux assuraient le lien entre la Terre et le Ciel, entre les hommes et les Dieux. L’aigle est l’oiseau le plus majestueux qui vole dans les hauteurs les plus élevées du ciel, et il est devenu évidemment le symbole de la dimension sacrée de l’Empire. Ainsi vivre dans les cadres territoriaux d’un Empire signifie d’abord accomplir une tâche spirituelle: établir sur la Terre une harmonie semblable à celle qui gouverne l’ordre céleste. La colombe qui symbolise l’Esprit Saint dans la tradition chrétienne avait en fait la même tâche symbolique que l’aigle dans la tradition impériale: sécuriser le lien entre le royaume ouranien (l’Uranus grec et la Varuna védique) et la Terre (Gaïa).
Après Luther, les éléments puritains extrémistes de la Réforme du nord de la France, des Pays-Bas, de Münster et de Grande-Bretagne feront en sorte que cette « théologie de la précipitation » soit encore plus virulente, dans l’Angleterre anglicane mais aussi dans le « royaume protestant » des Treize Colonies d’Amérique du Nord, comme en témoignent les événements tragiques de l’époque: la décapitation du roi Charles Ier due à la révolution puritaine de Cromwell. Cette façon de voir l’histoire comme une malédiction profonde a été transmise aux Pères fondateurs des futurs États-Unis. Avec la tradition déiste en Angleterre et la tradition politique Whig en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord, cette « théologie de la précipitation » se rationalisera perfidement en se donnant un vernis progressiste, celui des Lumières qui culminera dans le plan du président Wilson visant à purger le monde du mal. La « philosophie de la précipitation » (et non la « théologie ») des philosophes français conduira à une eschatologie politique laïque sous l’ombre tutélaire de la guillotine, sous laquelle tous ceux qui soi-disant freinaient le processus devaient périr préventivement et avoir la tête coupée. Après Wilson, plusieurs diplomates américains vont forger des principes qui empêchent que la souveraineté en propre des États puisses’exprimer par le biais de projets programmatiques avec ou sans guerres.
Ainsi, la Russie est importante dans cette trame générale d’une interprétation historique du « katechon » car elle est l’antidote à « la folie eschatologique ». La Russie est l’héritière de Byzance mais aussi l’héritière directe de la « Forme romaine ». Elle était considérée comme le bastion du conservatisme avant 1917, même si ce conservatisme fut fossilisé par Konstantin Pobiedonostsev comme a pu l'observer Dmitri Merejkovsky qui rejetta par la suite tous les aspects démoniaques de la révolution russe. La Russie n'a pas expérimenté le même traumatisme que l'Europe au 16ème siècle avec la Réforme et les guerres de religion, les destructions perpétrées par les iconoclastes; elle a ensuite été préservée des sottes philosophies déistes des Whigs anglais ou des folies des Lumières françaises du 18ème siècle. Cela ne veut pas dire, comme l'entend la vulgate occidentaliste, que la Russie est un pays arriéré: Catherine II était une impératrice animée par l'idéologie des Lumières, mais des Lumières dites "despotiques" et, par voie de conséquence, pragmatiques et constructives. Elle fit de la Russie une grande puissance. Alexandre I était animé par des idées religieuses traditionnelles et apaisantes, que nous devrions réétudier attentivement aujourd'hui, surtout après le désastre syrien. Alexandre II a modernisé le pays à grande vitesse à la fin du 19ème siècle et a pu éliminer tous les handicaps imposés à la Russie après le Traité de Paris de 1856 qui mit fin à la guerre de Crimée. En fin de compte, la Russie, à la notable exception des premières décennies du régime bolchevique, semble avoir été immunisée contre la toxicité dangereuse que constitue la "théologie de la précipitation".
La flotte française qui battit en 1783 l’Angleterre en Amérique du Nord permit la complète indépendance des États-Unis. La Russie put alors conquérir l’Alaska, établir un comptoir en Californie et envisager une alliance hispano-russe dans le Nouveau Monde. Les marins russes purent accoster dans les îles Hawaii et les offrir à leur Tsar. A leur niveau, les expéditions françaises dans le Pacifique furent fructueuses et personne n’oubliera jamais que Louis XVI quelques minutes avant de monter les marches qui le conduisirent à l’échafaud, demanda des nouvelles de La Pérouse, qui s’était perdu en explorant les eaux du Pacifique. Ce premier dessein eurasien avant la lettre fut torpillé par les Révolutionnaires français payés et excités par les Anglais et les services secrets de Pitt, comme le raconte bien l’historien Olivier Blanc dans 
Dans un futur proche, les États-Unis essaieront à tout prix de conserver leur domination sur l’Europe de l’Ouest (même si d’un autre côté, ils tentent aussi de la fragiliser encore plus par les vagues migratoires incontrôlées et les initiatives de Soros), ils feront aussi tout pour asseoir leur domination sur l’Amérique latine et plus particulièrement sur l’Afrique, où ils développent une nouvelle forme d’impérialisme original à travers l’AFRICOM, une structure de commandement conçue justement pour endiguer les Chinois et faire sortir les Français de leur Françafrique tout en enjoignant à ces derniers de participer au processus militaire de leur propre neutralisation ! Nonobstant, cette politique internationale est condamnée à l’échec parce que l’ubiquité du contrôle total qu’elle suppose demeure impossible à tenir sur la base de seulement 350 millions de contribuables.
Et c’est ainsi que nous fûmes attirés par les Scythes, surtout après avoir lu un livre de l’historien français Francis Conte où il nous rappelait que les origines de nombreux peuples slaves remontaient non seulement aux tribus slaves mais aussi aux cavaliers Sarmates, y compris ceux qui les avaient nourris auparavant, la cavalerie des légions romaines.






















À l’heure où l’environnement économique et commercial international est de plus en plus complexe et hasardeux, le Comité central du PCC, avec le camarade Xi Jinping comme noyau dirigeant, a lancé en temps opportun le concept de développement innovant, coordonné, vert, ouvert et partagé. M. Xi a indiqué : « Nous devons prendre conscience que l’économie chinoise, en dépit du volume considérable qu’elle représente, n’est pas encore robuste et qu’en dépit de sa croissance très rapide, elle n’affiche pas une qualité optimale. Notre modèle de développement extensif qui misait principalement sur les facteurs de production, en particulier les ressources, pour stimuler la croissance économique et l’expansion du volume économique n’est pas durable. Il est temps d’accélérer notre transformation pour passer d’un développement essentiellement alimenté par les facteurs de production et l’investissement massif à un développement tiré par l’innovation. »











